Le Conseil constitutionnel a rendu son avis, jeudi 5 août, sur le projet de loi visant à contrer l’épidémie de Covid-19 et comprenant notamment l’extension controversée du passe sanitaire (vaccination totale, test négatif ou certificat de rétablissement). L’institution de la rue de Montpensier avait été saisie par le gouvernement et trois groupes parlementaires après l’adoption du texte par le Parlement le 25 juillet.
S’il juge conforme à la Constitution les dispositions concernant le passe sanitaire et la vaccination obligatoire des soignants, le Conseil constitutionnel a en revanche censuré celles « organisant la rupture anticipée de certains contrats de travail et le placement “automatique” à l’isolement » des personnes diagnostiquées positives au Covid-19.
Sommaire
Censuré : la rupture anticipée d’un contrat de travail et l’isolement obligatoire des malades
Le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions du texte prévoyant qu’un CDD ou un contrat d’intérim puisse être rompu « avant son terme » par l’employeur faute de passe sanitaire. Par contre, l’institution a validé la procédure de suspension du contrat de travail sans rémunération pour les salariés en CDI.
« En prévoyant que le défaut de présentation d’un passe sanitaire constitue une cause de rupture anticipée des seuls contrats à durée déterminée ou de mission, le législateur a institué une différence de traitement entre les salariés selon la nature de leurs contrats de travail qui est sans lien avec l’objectif poursuivi », explique le Conseil constitutionnel.
A propos de l’isolement obligatoire de dix jours pour les personnes testées positives au Covid-19, les juges constitutionnels ont estimé qu’il n’était ni « nécessaire, [ni] adapté, [ni] proportionné », en ce qu’il constitue une mesure privative de liberté « sans décision individuelle fondée sur une appréciation de l’autorité administrative ou judiciaire ».
Pass sanitaire dans les centres commerciaux et à l’hôpital
Le pass s’appliquera également dans certains centres commerciaux et grands magasins, selon une liste qui reste à définir par les préfets. Le Conseil constitutionnel valide l’extension du pass sanitaire aux centres commerciaux si « la gravité des risques de contamination » à l’échelle d’un département le justifie. Les préfets pourront ainsi mettre en place le pass sanitaire dans les grands magasins et centres commerciaux, tout en garantissant « l’accès des personnes aux biens et services de première nécessité ainsi qu’aux moyens de transport accessibles dans l’enceinte de ces magasins et centres », selon la loi adoptée le 25 juillet.
Le pass sanitaire peut aussi être demandé à l’hôpital et dans les Ehpad. Le Conseil constitutionnel valide l’obligation du pass pour les visiteurs ou les patients non urgents, dans les établissements de santé et maisons de retraite, tant que ce dernier ne fait pas « obstacle à l’accès au soins ». « La loi ne peut faire échec à l’accès aux soins », précise une source proche du Conseil constitutionnel, ajoutant que la décision sera laissée à « l’appréciation des soignants ».
Validé : l’extension du passe sanitaire et l’obligation vaccinale pour les soignants
Parmi les dispositions critiquées du texte figurait notamment le fait de conditionner l’accès à certains lieux, établissements, services ou événements à la présentation du passe sanitaire. Le Conseil constitutionnel juge que ces éléments « portent atteinte à la liberté d’aller et de venir » et « au droit d’expression collective des idées et des opinions ».
Toutefois, l’institution estime cette disposition conforme à la Constitution dans la mesure où, en l’adoptant, le Parlement a « poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé » des citoyens. « En adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu permettre aux pouvoirs publics de prendre des mesures visant à limiter la propagation de l’épidémie de Covid-19 », note le Conseil constitutionnel.
Dans le détail, il a validé l’obligation du passe sanitaire pour les visiteurs ou les patients non urgents dans les établissements de santé et maisons de retraite tant que ce dernier ne fait pas « obstacle à l’accès aux soins ». La décision sera laissée à « l’appréciation des soignants », précise une source proche du Conseil constitutionnel à l’Agence France-Presse.
Le passe sanitaire pourra également être exigé dans les cafés et les restaurants dès lundi, y compris en terrasse. Une décision justifiée au nom d’une « conciliation équilibrée » entre les exigences de protection de la santé et les libertés individuelles.
Des mesures sensibles à étudier
Outre le pass sanitaire et son contrôle étendu aux cafés-restaurants, les Sages doivent passer en revue nombre d’autres mesures sensibles : isolement des personnes contaminées, vaccination obligatoire de certains personnels dont les soignants et sanctions contre les salariés réfractaires.
Le 31 mai, le Conseil constitutionnel avait déjà approuvé le principe du pass sanitaire – justificatif de vaccination, test négatif au Covid-19 ou attestation de rétablissement -, mais ce dispositif était à l’époque limité aux grands rassemblements comme les festivals.
L’Elysée s’est dit « pas inquiet » du sort qui sera réservé à ce texte « équilibré », voté et « enrichi » à l’Assemblée et au Sénat, dominé par l’opposition de droite.
« En outre, nous estimons qu’il y a une bonne dynamique, avec la campagne de vaccination qui suit son cours » et « les appels forts du président à se faire vacciner pour les jeunes », estime la présidence, en référence aux interventions d’Emmanuel Macron sur les réseaux Tik Tok et Instagram.